jeudi 8 janvier 2015

Tout ira bien






         Aussi choqué ai-je pu être à cette tuerie chez Charlie Hebdo, il n'y a pas d'autres mots, j'aime toujours autant les gens. Je venais pourtant de vivre un moment difficile personnel aussi, mais rien n'y fait, mon cerveau n'en eut rien à foutre : j'aime les gens. D'hier, on retiendra surtout les décès, et c'est normal. Mais en position deux, voici ce que l'on doit avoir en tête :
         J'ai vu des gens s'engager, aller dans la rue, des personnes qui donnaient l'impression de s'en contrefoutre, d'anciens potes laxistes, des trolls qui crachaient sur le Charlie. Je pensais que nous, les dessinateurs, étions vu comme les 10 tontons foireux du coin de table, à faire leurs blagues salaces à la grande lassitude des autres, les canards noirs de la famille. Forcé de constater que nous sommes un peu plus de 10, et que nos blagues ont un écho. J'ai vu des illustrateurs faire des hommages, d'autres qui ne savaient pas dessiner citer Charlin Chaplin dans le Dictateur, Banksy, ou Louis CK et son T-Shirt gribouillé. Une place de la République à Paris rempli d'anonymes et de célébrités dans le même bouillon, enlevant la sacro-sainte distance que l'ont met parfois à tort entre les deux. Ça, pour moi, c'est être humain, alors oui, j'aime les gens.

         Demain, trois tocards iront crier qu'ils l'auront bien mérité, et trois autres tocards leur répondront avec la même violence, au flingue, à la bombe, à la perceuse, Qu'on s'entende, ces gens sortent de leurs rôles d'humains. Ils n'ont en fait que le poids qu'on leur donne : l'arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse, ne dit-on pas ?
         Pour moi les humains c'est cette dame qui crie « si vous n'avez pas de pancartes, levez vos stylos, c'était leur arme à eux » , c'est qu'une douzaine de morts à Paris fassent pleurer à New York ou Barcelone, c'est ce couple qui me tend un mouchoir quand je pleure dans le métro le cœur brisé par telles ou telles affres sentimentales, ce vieil homme à l'air sévère qui me prend en stop jusqu'à ma rue, c'est des avatars noirs sur les réseaux sociaux, c'est des visages contre la peur ; c'est ce grand black qui me sourit dans le métro parce qu'on joue au même jeu sur nos téléphones, des amoureux ados, des boulangers qui disent bonjour comme personne, les 3 maghrébins qui rigolent fort au PMU en bas de chez moi, le bar lesbien ou je traine sans que mon sexe masculin soit un problème, ma voisine qui me prête du sel, les deux filles que je gardais et qui continue à vouloir me voir pour discuter, les gens qui m'envoient de gentils e-mails quand je dessine un truc triste sur internet... Liste non exhaustive. L'on appelle à ne pas faire d’amalgame, à rester digne. Ces gens sont plus nombreux que ceux qui tirent et tuent. L'arbre, la forêt, tout ça.

        Certain(e)s dont la grandeur de leur cynisme n'a d'égale que la petitesse de leur intelligence, veulent « offrir » à la France un référendum sur la peine de mort. Je pense qu'on peut s'offrir le droit de regarder les villes se remplir de gens indignés, et devant la foule se dire que non, on ne déteste pas ces gens. Là, on s'offrira vraiment un moment un peu cool je crois. Un moment où, notre supériorité numérique de gens qui ne tuent pas à la moindre contradiction éclatera de toute son évidence, ça ne sera plus la honte d'être humain.


Ce constat fait, tout ira bien dans le meilleur des mondes.



S.

16 commentaires:

  1. Au début, je voulais pas avoir l'air de surfer sur la vague d'hommage ou je ne sais quoi, puis je me suis rendu compte que j'avais juste peur d'être jugé de mouton, puis qu'au fond j'en avais rien à foutre et que j'avais envie de me fendre de ce petit texte. C'est tout.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un hommage pour faire comme tout le monde, sans conviction, c'est ça être mouton. Les hommages de gens qui ont été touchés, de près ou de loin, et qui ont envie de s'exprimer sur le sujet, c'est important.

      Le tien m'a touché, et ça fait du bien de voir des gens qui voient le bon côté des choses et des gens

      PS : tu m'as fait verser une larme

      Supprimer
    2. Merci c'est gentil, ton commentaire me touche beaucoup aussi :)

      Supprimer
  2. Je sais pas comment tu fais pour être si optimiste :/

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sais pas non plus, je crois juste qu'il y a pas vraiment d'obligation à être pessimiste non plus en fait.

      Supprimer
    2. oui, c'est sur... N'empêche, c'est dur dans cette période là hun :/

      Supprimer
    3. Je vais citer ces grands philosophes que sont Coldplay :
      " Nobody said it was easy..."
      :D

      Supprimer
  3. Magnifique tu as tout dit

    RépondreSupprimer
  4. Réponses
    1. Ouais, ouais, j'ai fait plus joyeux. Mais je trouve qu'au fond, ce n'est que mieux rebondir.

      Supprimer
  5. Etant déjà bouleversée par l'attaque, j'ai été émue aux larmes par tes mots;
    Parce que j'ai aussi envie de croire en l'être humain, mais putain, je vois pas comment. Et ce n'est pas l'acte des ces 3 décérébrés qui me fait dire ça, mais la réaction des gens, qui n'ont rien compris. Hier, la mobilisation sur les réseaux sociaux, et place des Terreaux à Lyon m'a fait chaud au cœur malgré la tourmente. Ça fait du bien de se sentir faire partie d'un tout.
    Mais ce matin, chacun y est allé de son petit commentaire, et j'ai compris qu'ils l'avaient rien compris. Que ce qu'ils attendent du gouvernement maintenant, c'est de la répression, des mesures sécuritaires. Et qu'ils ne se rendent pas compte qu'en faisant cela, on va justement vers une privation de liberté contre laquelle ils se sont offusqués.
    On ne combat pas la violence par la violence. La violence, elle est due à l'ignorance. Et contre ça, la seule arme c'est la culture. La réflexion. L'éducation. L'art. Le journalisme. La satyre. Je ne crois pas qu'ils le comprendront à temps.

    RépondreSupprimer
  6. Je peux comprendre, évidemment que c'est dur, mais c'est aussi un peu de notre fait. "on" (un on bien général hein) est les gentils, nous qui ne tuons pas ou ne commettons pas de graves crimes, et on est majoritaire. La victoire se fait sur la volonté. Si j'ai appris quelque chose de la Manif pour Tous, c'est que les connards sont pas en surnombre, ils sont juste plus motivés à s'inverstir. Avec autant d’investissement de notre côté, la balance se rééquilibrera logiquement :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce sentiment d'être submergée par les cons m'a envahit depuis longtemps, bien avant la tragédie d'hier.
      Pas seulement les extrémistes religieux, mais les cons ordinaires, qui sont racistes à demi-mots, qui se foutent bien de l'état de la planète quand ils achètent leur 4x4, quand ils collent leurs gosses de 2 ans devant une tablette, quand ils disent "ils l'avaient quand même bien cherché ... ".

      Et ces cons là me semblent relativement nombreux. Face à ce constat, les paroles ont cessé de me rassurer.
      Alors je ne vaux pas mieux qu'eux à m'indigner derrière un écran, mais concrètement, je ne vois pas quoi faire

      Supprimer
    2. Je pense que ne pas être cynique est la seule réponse à avoir. On a tous notre part d'égoïsme, et pourquoi pas, on va pas vivre 200 ans. Ce qu'il faut, c'est juste essayer de faire ce qu'on estime bien. Voilà. C'est tout. Ça demande pas un effort transcendantale non plus. Les cons restent des cons, en général, ceux qui se damnent pour un bon mot sur twitter ou pour un truc bling bling n'ont aucun espèce de poids dans ma vie, perso :)

      Supprimer
    3. En tous les cas,ça me redonne un peu de courage de voir qu'il y a des gens qui croient encore aux autres ;).
      Merci !

      Supprimer